(source: Abel Mestre et Caroline Monnot)
Le phénomène est relativement récent. Depuis un an, nous contastons la réapparition dune extrême droite adolescente- lycéens et tout jeunes actifs ou inactifs- férue de look, de vêtements typés, nourrie de références interne.Ici, influencée par limagerie du Bloc Identitaire. Là, nourrie de références White Power plus radicales (suprémacistes blancs et néo-nazis), comme cest le cas à Chauny dans lAisne, petite ville située à une trentaine de kilomètres de Saint-Quentin, dont le principal employeur, lusine Nexans, qui fabriquait du fil de cuivre pour lélectroménager, a définitivement fermé ses portes le 31 décembre 2009, avec 222 destructions demploi à la clé.
Samedi 27 mars, une manifestation antiraciste et antifasciste est organisée dans les rues de cette commune à lappel de plusieurs associations, syndicats et organisations politiques réunies au sein dun collectif antifasciste axonais. La marche doit mener ses participants de la place de la gare à lusine Nexans.( voir le compte rendu du Courrier picard ici).
Cet hiver, lhebdomadaire Marianne avait consacré une série de trois papiers à la tension créée à Chauny, par lactivisme agressif de jeunes se réclamant du nationalisme, le tout sur fond de crise économique. Sen prenant verbalement et parfois physiquement à des collégiens et lycéens dorigine maghrébine, déclenchant des bagarres et affectant en retour de se poser en victime. Des sorties de lycée avaient ainsi du être protégées par des cordons de gendarmes.
Le problème posé par ces jeunes skins ( boneheads) de Chauny et de ses environs nest pas résolu. Ce sont plutôt des gamins de la classe ouvrière qui viennent des petits villages alentours. Ils sont très jeunes, de quatorze à vingt ans. Pour certains déscolarisés ou chômeurs, ils se réunissent sous labribus place de lhôtel de ville, explique aujourdhui Patrick Proisy, responsable de la Ligue des Droits de lhomme dans lAisne.Selon M. Proisy, ils sont une quinzaine, mais cest beaucoup pour une petite ville.Ils tagguent, provoquent, et tiennent un discours quils qualifient didentitaire.
Ca sest radicalisé
Une professeure de français au collège que nous avons contactée et qui souhaite garder lanonymat, juge la situation très inquiétante. Ce nest pas propre à Chauny mais plutôt à lensemble du département souligne-t-elle. Et de raconter: Cela a commencé lannée dernière. On a surpris des élèves de 6e/5e qui avaient des portraits dHitler sur leurs portables. On est intervenu. Et puis, on sest mis à voir arriver au collège certaines marques de blousons très caractéristiques. Immédiatement après, les gamins quon prenait en flagrant délit dans la cour ont changé dattitude. Ils ne sexcusaient pas mais revendiquaient sur le mode: je suis facho et alors? Du coup on a pris des mesures radicales. Cest ainsi que le port des fameux blousons a été, entre autres, interdit dans létablissement.
Cette année, poursuit-elle, cest pire. Cela sest radicalisé, cette fois sur un mode violent. Deux à trois fois par semaine on intervient dans la cour du collège pour stopper une bagarre à la suite de propos racistes. Et de conclure: il y a des jeunes adultes- grands frères, oncles, voire parents- derrière que les plus jeunes copient.
Clément, lui, est professeur de sciences naturelles dans les environs de Chauny. Son constat nest pas vraiment différent de celui de sa collègue. Parmi les jeunes skins de Chauny, jai des anciens élèves. Il y a un militant FNJ sur la ville mais qui na pas forcément une grande influence sur eux. Eux arborent des croix gammées stylisées, des croix celtiques. Lan passé je les ai vus à la gare routière- lendroit doù part chaque soir tous les cars desservant les villes environnantes- se livrer à des agressions racistes sur les gamins qui rentraient chez eux.
Lextrême droite est politiquement et culturellement prégnante dans lAisne. Le FN a réalisé un score de près de 20% au second tour des régionales dans ce département. Et dans les environs de Chauny, plusieurs villes affichent des pourcentages supérieurs à 24%, atteignant jusquà 42% (à Abbécourt). Par ailleurs, lune des figures frontistes du département nest autre que Michelle DallAra, ancienne du Parti national français européen (PNFE), formation néo-nazie active du milieu des années quatre vingt à la fin des années quatre vingt dix. Outre un FNJ qui sest réimplanté dans les environs depuis deux à trois ans, le phénomène a pris de lampleur avec louverture dune boutique spécialisée dans les marques de vêtement prisées par la mouvance nationaliste et skinhead néo-nazie à Chauny même.Sy ajoute désormais le projet de formation dune section picarde des Identitaires, aujourdhui en embryon, autour dun site intitulé le Réveil picard.