Le 22 octobre, à la demande de Nicolas Sarkozy, on lira dans tous les lycées de France la lettre poignante que Guy Môquet adressait à sa famille avant dêtre fusillé par les nazis. « Il ne sagit pas de faire quelque chose de sottement cocardier et patriotique… », a expliqué le ministre de léducation nationale.
Dès le 22 mai, nous avions regretté, avec Jean-Paul Houssay, que Nicolas Sarkozy nait pas associé la mémoire de Michel (Missak) Manouchian à celle de Guy Môquet. Tous deux étaient militants communistes ; tous deux ont été exécutés par les nazis ; la lettre de Manouchian se prêtait davantage à lillustration des propos de Nicolas Sarkozy, sauf que… évidemment, il nétait pas français. On peut également déplorer, avec Pierre Schill et Jean-Pierre Azéma, linstrumentalisation politique de lhistoire à laquelle sest livré le président de la République .
- Missak Manouchian
Missak Manouchian, né arménien en septembre 1906, est arrivé en France en 1925. Communiste, engagé dans la résistance, il a mené à la tête de son groupe une guérilla incessante contre les Allemands. Arrêté le 16 novembre 1943, il fut jugé comme un étranger qui met la France en péril. Le président de la cour martiale qui le jugeait voulait « faire savoir à lopinion française à quel point leur patrie est en danger ». Condamnés, Manouchian et vingt et un de ses camarades furent exécutés au Mont-Valérien le 19 février 1944.
Manouchian nétait pas français. Le groupe de résistants dont il était le chef, outre trois Français, était constitué de huit Polonais, cinq Italiens, trois Hongrois, deux Arméniens, un Espagnol, une Roumaine et parmi eux neuf étaient juifs.
La dernière lettre de Missak Manouchian
Ma Chère Mélinée,
ma petite orpheline bien-aimée,Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela marrive comme un accident dans ma vie, je ny crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais.
Que puis-je técrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.
Je métais engagé dans lArmée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je nai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce quil méritera comme châtiment et comme récompense.
Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous… Jai un regret profond de ne tavoir pas rendue heureuse, jaurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et davoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelquun qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de larmée française de la libération.
Avec laide des amis qui voudront bien mhonorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent dêtre lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à lheure avec le courage et la sérénité dun homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je nai fait de mal à personne et si je lai fait, je lai fait sans haine. Aujourdhui, il y a du soleil. Cest en regardant le soleil et la belle nature que jai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui mont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je tembrasse bien fort ainsi que ta sur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cur. Adieu.
Ton ami, ton camarade, ton mari.
Manouchian Michel
- Guy Môquet
Lorsque son père, député communiste, est déporté dans un bagne en Algérie en 1939, Guy Môquet, alors âgé de 16 ans, décide dentrer dans les Jeunesses communistes. Arrêté un an plus tard lors dune distribution de tracts clandestine à Paris, il est transféré, malgré son acquittement, au camp de Châteaubriant (Loire-Atlantique).
Guy Môquet fut fusillé le 22 octobre 1941, avec vingt-six autres otages, en guise de représailles à la suite de lexécution dun commandant allemand par trois jeunes communistes à Nantes le 20 octobre 1941. Il navait pas dix-huit ans.
La lettre dadieu de Guy Môquet
Ma petite maman chérie,
mon tout petit frère adoré,
mon petit papa aimé,Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, cest dêtre courageuse. Je le suis et je veux lêtre autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, jaurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cur, cest que ma mort serve à quelque chose. Je nai pas eu le temps dembrasser Jean. Jai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable, je ne peux le faire hélas ! Jespère que toutes mes affaires te seront renvoyées elles pourront servir à Serge, qui je lescompte sera fier de les porter un jour. A toi petit papa, si je tai fait ainsi quà ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que jai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu mas tracée.
Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que jaime beaucoup. Quil étudie bien pour être plus tard un homme.
17 ans et demi, ma vie a été courte, je nai aucun regret, si ce nest de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, cest dêtre courageuse et de surmonter ta peine.
Je ne peux en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Serge, papa, en vous embrassant de tout mon cur denfant. Courage !
Votre Guy qui vous aime.
Guy
Dernières pensées : vous tous qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir !