JM Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune, était l'invité du centre diocésien de Rouen pour une conférence qui s'est tenue le 18 octobre dernier.
Qu'est-ce que cette Fondation ?
Les opposants à lavortement créent une fondation Jérôme Lejeune
par Michèle Aulagnon, Le Monde du 22 mars 1996Le Journal officiel publie, jeudi 21 mars, un décret portant création dune fondation reconnue dutilité publique, la fondation Jérôme Lejeune. Cette institution a été créée par lassociation « Les amis du professeur Jérôme Lejeune » dont fait partie lactuel secrétaire dEtat à la santé, Hervé Gaymard, et dont lun des objets est la « défense de la vie humaine de son premier instant à son terme ».
Il aura suffi dune année à la famille du professeur Lejeune pour obtenir le statut recherché de « fondation » et le label prestigieux d « utilité publique », un record de célérité pour une procédure lourde et complexe. Le 25 mars 1995, la demande de création dune fondation dont lobjectif est de « poursuivre loeuvre à laquelle le professeur Jérôme Lejeune a consacré sa vie » est déposée. Dans les mois qui suivent, le ministère de la santé et celui de la recherche donnent leur accord. Le 13 février, le Conseil dEtat rend un avis favorable. Cinq semaines plus tard, jeudi 21 mars, la parution au Journal officiel dun décret portant reconnaissance dune fondation comme établissement dutilité publique entérine la création de la Fondation Jérôme Lejeune. Avantage non négligeable, les donateurs bénéficient désormais de réduction fiscale.
Deux questions se posent toutefois. Tout dabord, celle de la finalité de cette fondation. La personnalité de Jérôme Lejeune est en effet controversée. Le professeur Lejeune, décédé le 3 avril 1994, était tout à la fois un médecin généticien de renommée internationale il faisait partie de léquipe qui a découvert la cause du mongolisme (trisomie 21) et un militant acharné de la lutte contre le droit à linterruption volontaire de grossesse.
Le second problème concerne la nature des liens entre les membres de lassociation Les amis du professeur Jérôme Lejeune, qui ont orchestré la création de la Fondation, et lactuel secrétaire dEtat à la santé et à la Sécurité sociale, Hervé Gaymard. Ce dernier est en effet membre fondateur de cette association, tout comme son épouse, Clara Lejeune-Gaymard, fille du professeur Lejeune et ancienne directrice de cabinet de Colette Codaccioni, lorsque cette dernière était ministre de la solidarité entre les générations, dans le premier gouvernement dAlain Juppé. Clara Lejeune-Gaymard est, elle, membre fondatrice de la Fondation, alors que son époux nen fait pas partie.
7 MILLIONS DE FRANCS DE DONS
Réfutant toute collusion entre le gouvernement et la famille Lejeune, Jean-Marie Le Méné, membre fondateur de la Fondation, conseiller référendaire à la Cour des comptes et beau-frère de Mme Lejeune-Gaymard, précise qu « il y a certes un membre de la famille au gouvernement, pas un membre de la Fondation ». Le siège de la Fondation est situé au domicile de la veuve du professeur Lejeune, Mme Birthe Bringsted. Cette dernière fait partie de la Fondation et est secondée, dans lassociation Les amis du professeur Jérôme Lejeune, par deux membres de lInstitut connus pour leur hostilité à la loi Veil, Jean Foyer et Pierre Chaunu. Lassociation Les amis du professeur Jérôme Lejeune, qui sest occupée de collecter les dons nécessaires à la création de la Fondation, a déjà réuni, selon M. Le Méné, près de 7 millions de francs, une somme supérieure aux 5 millions de francs nécessaires.
Les statuts de la Fondation précisent quelle a pour but de « poursuivre loeuvre à laquelle le professeur Lejeune a consacré sa vie : la recherche médicale sur les maladies de lintelligence et sur les maladies génétiques, laccueil et les soins des personnes, notamment celles atteintes de la trisomie 21 ou dautres anomalies génétiques, dont la vie et la dignité doivent être respectées de la conception à la mort ». Les statuts de lassociation Les amis du professeur Jérôme Lejeune précisent que lobjet de lassociation est « de faire connaître loeuvre et les découvertes du professeur Lejeune, spécialement celles faites par lui dans le domaine de la génétique ; (…) de poursuivre et prolonger son action pour la défense de la vie humaine de son premier instant à son terme ».
Cest ce dernier point qui inquiète les partisans du droit à lavortement. « La défense de la vie humaine depuis son premier instant à son terme » fait partie de la rhétorique des opposants à la loi de 1975 légalisant linterruption volontaire de grossesse. « Il ne faut pas se focaliser sur les mots, se défend Jean-Marie Le Méné. Le professeur Lejeune, mon beau-père, pensait par exemple que lon peut guérir la trisomie 21, surtout si lon agit le plus tôt possible, cest-à-dire avant la naissance. Il na pas eu le temps dy parvenir. Lobjectif de cette fondation est de donner à des chercheurs les moyens de cette ambition. »
Les membres de lassociation Les amis du professeur Jérôme Lejeune démentent tout lien avec les mouvements extrémistes hostiles à lavortement. Clara Lejeune-Gaymard, interrogée à plusieurs reprises par Le Monde, notamment lorsquelle dirigeait le cabinet ministériel de Colette Codaccioni, assurait que lobjectif de cette fondation nest que scientifique, visant à « favoriser la recherche sur les maladies de lintelligence ». Elle balayait les doutes sur les objectifs de la Fondation en expliquant que, « si [elle] avait voulu financer des actions comme celles des commandos anti-avortement, [elle] ne prendrait pas la peine deffectuer toutes ces démarches. [Mais elle] se sent, ainsi que les autres membres fondateurs, investie dun devoir moral envers [son] père et les malades quil a soignés ».
LE SOUTIEN DE LUNAPEI
Clara Lejeune-Gaymard avait remis, en juillet 1995, à son ministre Colette Codaccioni un texte dexplication. Cette note précise que le professeur Jérôme Lejeune « na jamais été président de Laissez-les vivre » [une association qui soutient aujourdhui les commandos anti-avortement]. Il en a été le conseiller scientifique jusquen 1985, date à laquelle il a démissionné à la suite de profonds désaccords. En revanche, il a été fondateur et président dune association Secours aux futures mères destinée à venir en aide aux mères en détresse (…). La Fondation Jérôme Lejeune na strictement aucun autre but que de poursuivre loeuvre à laquelle le professeur Lejeune a consacré sa vie (…). Dès lors, toute allégation visant à imaginer des collusions dintérêts avec des associations ou des mouvements ne poursuivant pas les mêmes buts scientifiques que la Fondation est dépourvue de pertinence (…) ».
Pour entamer les démarches nécessaires à la constitution de la Fondation, Les amis du professeur Jérôme Lejeune ont bénéficié du soutien de plusieurs institutions comme, par exemple, lUnapei, lUnion nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales. Son directeur général, Patrick Gohet, déclarait qu« il ne [fallait] pas faire de procès dintention à cette fondation. Les initiatives en matière de recherche dans ce domaine sont très rares, et les travaux du professeur Lejeune doivent pouvoir être complétés. Pour notre part, nous avons toujours établi une distinction entre loeuvre scientifique du professeur Lejeune et ses opinions personnelles, nous soutenons donc ces démarches ». Sollicité par Le Monde, Hervé Gaymard nous a fait savoir quil ne souhaitait pas sexprimer sur son rôle dans la création de la Fondation Jérôme Lejeune.
Michèle Aulagnon
- Jean-Paul II sur la tombe de Jérôme Lejeune, août 1997.
Précisons que la Fondation Jérôme Lejeune a porté plainte contre 2 militants de Ras l'front pour diffamation, ces derniers ont été condamnés par le tribunal correctionnel d'Avignon.
Ces deux militants ont fait appel de cette condamnation, le procès en appel s'est déroulé le 12 octobre dernier à Nîmes.